Après un teasing assez intense, « l’enfant du siècle » nous dévoile enfin son premier album Polaroïd. Un projet qu’on attendait impatiemment, étant donné la qualité des exclus: Noir pt. II et Maria.
Après avoir pris quelques jours pour bien comprendre ce nouvel album, la première chose que je peux vous dire c’est que le gars est plutôt lunatique. Et cela ne va surprendre personne. En effet, Lord Esperanza a l’habitude depuis son intégration dans le rap game, de mélanger les genres. Entre trap politisée, et chanson plus romantique, le parisien ne s’est peut-être pas où se positionner. Ou au contraire, il veut démontrer que l’Homme est plus complexe que ça et ne se limite pas à une seule case.

Pour ma part, je préfère le Lord engagé, et de ce côté-là, on est quand même bien servi. Dans ce projet, le titre Tutoyer le ciel m’a justement mis une grosse claque. Avec une grosse prod qui te met direct dans une ambiance sombre, le Lord balance un gros flow et des lyrcis dignes des plus grands paroliers. Entre punchline aiguisée à la façon d’un samouraï et multisyllabiques très calculés, ce titre va te redonner confiance dans le rap français. On sent que le gars veut sortir des codes que l’on retrouve assez fréquemment en ce moment. Et on l’entend dans la deuxième parti du titre, où le rappeur prend un flow criant, digne d’un vrai rockeur. Le titre Oh Lord vient aussi confirmer la détermination de «l’enfant du siècle ». Avec une instrumentale audacieuse qui nous fait penser à l’arrivée d’une tempête, le Lord rappe avec un ton prophétique et moralisateur. Cela renforce son personnage du rappeur qui veut tout niquer, mais qui dénonce les vices de ses concitoyens.
L.O.R.D c’est le futur sur track
Crache sur vos sépultures crades
Malgré ses envies de grandeur, le Lord comprend qu’il est un Homme comme les autres. Avec ses faiblesses et ses désirs. Les femmes représentent peut-être cette faiblesse. En effet, on avait déjà vu avec le projet Drapeau Noir le côté romantique et mélancolique du rappeur. Dans la Couleur des sentiments, le rappeur tantôt engagé prend ici la place d’un poète qui se lance dans une ode à l’amour, et au bonheur que ce dernier entraîne. À l’image du son Anna, ou encore Maria, le rappeur nous fait aussi part de ces différentes femmes qui l’ont marqué en tant que poète. Un thème très classique dans la littérature française, mais qui prend ici forme au sein d’un rap moderne. Encore un exemple donc du talent d’écriture que détient Lord Esperanza, qui veut sûrement se présenter en digne descendant des poètes français.

Au-delà de cette dualité, le rappeur est accompagné de bon nombre de talents du rap contemporain. Notamment Roméo Elvis, qui sur la chanson Infiniment votre, raconte les souvenirs passés du chanteur, le tout sur une ambiance pop rock bien ficelée. Un feat qui nous a surpris, mais qui montre que le parisien est bien entouré. Car même si les chanteurs ont chacun des styles différents, ils font tous les deux parties de cette nouvelle génération de rappeurs.
Mon pied gauche prend appui sur le sol
Horrifié d’voir c’que les gens gobent
La nature est morte comme Van Gogh et ses tournesols
L’autre feat de l’album à écouter absolument, c’est celui avec son pote Nelick, qui nous a d’ailleurs proposé un freestyle très sale il y a quelques semaines. Ici la surprise n’est pas tant sur le choix du featuring, mais plutôt sur le choix de l’instrumental. Avec le titre Capable, les deux rappeurs s’amusent sur une instru techno-house vraiment dansante. Ce choix osé redonne de l’intensité à l’album, qui serait peut-être trop monotone sans cette chanson.
On attend souvent trop d’un premier album. Cela a peut-être était le cas de Polaroïd, qui se présentait comme la grosse annonce de cette fin d’année. Mission à moitié réussie, car je n’ai pas accroché à tous les titres de l’album, mais il faut quand même noter l’audace du rappeur sur le choix des prods, sur les lyrcis et les thèmes. Lord Esperanza veut aller plus loin que le rap traditionnel et ça se ressent. Avec beaucoup de flow et une écriture vraiment propre, le jeune rappeur a encore du temps devant lui pour affiner son personnage. Mais ce qui est sûr, c’est que « l’enfant du siècle » va finir par s’imposer sur la scène du rap français.
Je préférais peindre mon ignorance avec aquarelles
Révolutionnaire comme Arcimboldo
On se voit dans trois ans dans Bercy sold out
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